DEMASIADA MEMORIA (Original Mois Benarroch)

De alguna forma mi pasado incluye
a Lucena y Granada
para mi madre todo esto es superfluo
sí, eso es el pasado
sí, España… sí, porque hablamos español
sí… etcétera
hasta Tetuán es para ella pasado
vive en el presente
y yo me paseo por la historia
y mi memoria es de mil años
mis sueños son de mil años
mi pasado tiene mil años
y mi presente tiene mil años
y no puedo con menos de eso
ni un año menos
no me creo más joven
y me imagino muy bien agricultor en Lucena
tesorero en Granada
me imagino muy bien
en las matanzas de los cristianos
convirtiéndome a la fe cristiana
siendo marrano
tomando el camino de Portugal
en el barco hacia Tánger
escapándome para Tetuán
sufriendo la pobreza marroquí
y el ultimo pogromo árabe en 1790
me imagino viajando a Brasil a Venezuela
a finales del siglo diecinueve
volviendo para casarme con una Tetuaní
o viajando a Orán
y siendo el español de los judíos Oraneses

o no convirtiéndome al cristianismo
y emigrando a Fez en el siglo catorce
y después del pogromo de 1600
llegando a Tetuán
y viniendo a Jerusalén
sionista convencido
o yéndome a España
Español convencido
comiendo tapas
y bebiendo rioja

tengo demasiada memoria
preferiría menos memoria
como mi madre.

TROP MÉMOIRE (Version française Rosa Ramos)

En quelque sorte mon passé inclut
Lucena et Grenade
pour ma mère tout cela est superflu
oui, c’est du passé
oui, Espagne… oui, parce que nous parlons l’espagnol
oui… et caetera
jusqu’à Tétouan est pour elle le passé
elle vit le présent
et moi je me promène dans l’histoire
et ma mémoire elle est millénaire
mes rêves son millénaires
mon passé est millénaire
et mon présent à mille ans
et je ne peux pas vivre avec moins
même un an de moins
je ne crois pas que je sois plus jeune
et je m’imagine très bien agriculteur à Lucena
trésorier à Grenade
je m’imagine très bien
dans les tueries des chrétiens
me convertissant à la foi chrétienne
étant un marrane
prenant le chemin du Portugal
dans le bateau vers Tanger
m’enfuyant vers Tétouan
subissant la pauvreté marocaine
et le dernier pogrom árabe en 1790
je m’imagine voyageant au Brasil à Venezuela
à la fin du dix-neuvième siècle
revenant pour me marier à une fille de Tétouan
ou voyageant à Oran
et étant espagnol au milieu des juifs d’Oran

ou ne pas m’ayant converti au christianisme
et émigrant vers Fès au quatorzième siècle
et après le pogrom de 1600
arrivant à Tétouan
et arrivant à Jérusalem
comme un sioniste convaincu
ou partant vers l’Espagne
Espagnol convaincu
mangeant des tapas
et buvant du rioja

j’ai trop de mémoire
j’aurais préfère moins mémoire
comme ma mère.

Las Cerezas de Sfro (Original Mois Benarroch)

Los poetas que cantaron a tu cuerpo
Nada supieron de tu alma
Y yo que te hablaba en Francés y en Hebreo
Ahora sé que siempre te amé en Español.

Tu pasado perdido en lenguas extranjeras
Perdido en el ladino de las lenguas de España
En las cerezas de Sfro en los palacios de Fez
En el Árabe y en el Francés

Tampoco nunca sabrás que sin saber una palabra
De Español, en Español me has amado
Siempre mis oídos oyeron Español

Durante la mitad de nuestras vidas intentando
Escaparnos de nuestras raíces para pasar la
Otra mitad reconciliándonos con ellas.

Les Cerises de Sfro (Version française Rosa Ramos)

Les poetes qu’on chanté à ton corps
Ne connaissaient rien de ton âme
même que moi je te parlais en français et en hébreu
Maintenat je sais que je t’ai toujours aimé en espagnol.

Ton passé perdu dans des langues étrangeres
Perdu dans le judéo-espagnol des langues d’Espagne
dans les cerises de Sfro au palais de Fès
dans l’árabe et dans le français

Tu ne sauras jamais que sans savoir une parole
d’espagnol, c’est en espagnol que tu m’as aimé
mes oreilles on toujours entendu de l’espagnol.

Nous avons passé la moitié de nos vies à essayer
de fuir nos racines pour passer
l’autre moitié à nous reconcilier avec elles.

Memoria (Original Mois Benarroch)

Si la poesía es memoria
¿Qué es el recuerdo?
¿Y dónde están tus ojos
hermano
que recuerdo
tan marrones?
¿Dónde la mirada
de nuestras faltas
idioteces
ideas preconcebidas
y muertes inútiles?

Yo escribo para no olvidar
sobre todo
para no olvidar
lo que no recuerdo.

El primer Benarroch en Tetuán

Cuentan que el primer Benarroch de Tetuán
llego de Fez
con su hermano
que murió en el camino
y el lo llevó en su espalda hasta llegar
para que fuese enterrado como se entierra a un judío.

Y yo llevo a mi hermano sobre mi espalda
aunque murió al fin del camino
llevo a mi hermano
como el que guarda un viejo vino.

Tengo un largo cuento que contar
y no es el mío
es el de mis muertos
que me miran como un pino.

Mémoire (Version française Sonia Soriano et Rosa Ramos)

Si la poésie est mémoire
Qu’est-ce que le souvenir?
Et ou sont tes yeux
mon frère, ceux que mon souvenir
remémore si bruns?
Ou est ton regard sur nos fautes,
idioties,
idées préconçues
et morts inutiles?
J’écris pour ne pas oublier
sur tout
pour ne pas oublier
ce que ne me reviens pas.

Le premier Benarroch à Tétouan

On raconte que le premier Benarroch à Tétouan
arrivait de Fez
avec son frère qui était mort en route
et qu’il a porté sur son dos jusqu’à
leur arrivé pour qu’il soit enterré
comme l’on enterre un juif.

Et moi je porte mon frère sur mon dos
même qu’il soit mort en route
je porte mon frère
comme celui qui préserve un vieux vin.

J’ai une longue histoire à raconter
et ce n’est pas la mienne
c’est celle de mes morts
qui me regardent comme un pin.